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12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 23:29

Jeudi dernier, à l'appel des sections PS et PCF de Boulogne-Billancourt, nous étions nombreux à écouter les deux interventions de Nicolas Jounin et Maryse Tripier (voir "invitation au débat sur l'immigration") et ensuite à débattre sur le sujet. En ressortent une grande inquiétude pour les conditions de vie des sans-papiers, qui se dégradent de jour en jour, ainsi que sur la liberté même de déplacement de l'être humain. Voici l'intervention de Maryse Tripier :

(ce texte n’est pas un article de revue, il ne peut être cité, en tant que tel , et il a été écrit pour une intervention orale courte, d’où son style lapidaire, il  ne traite pas de tout le sujet évidemment)

 

"Le but de mon intervention sera d’essayer de comprendre les continuités et les ruptures en matière d’immigration, et de discrimination en France.

 

D’abord un constat chiffré en 2006 par la politologue Catherine de Wenden

 Ces dernières décennies, les migrations ont pris une nouvelle ampleur. Entre 175 et 200 millions de personnes dans le monde vivent en situation de «déplacés » (migration familiale, migration du travail et asile). C’est certes peu par rapport à la population mondiale (moins de 3% d’après la Division de la population des Nations unies), mais c’est un chiffre croissant et suffisant pour donner aux flux migratoires une ampleur globale puisque quasiment toutes les régions du monde sont touchées par ce phénomène, qu’elles soient des zones d’accueil, de départ ou de transit.

Dans ce contexte général, l’Europe est particulièrement concernée : sur environ 400 millions d’habitants, près de 15 millions de ressortissants d’Etats tiers résident dans l’Union, avec une croissance sensible de leur nombre au cours des années 1990. En 2000, l’Europe a ainsi accueilli légalement 1,4 millions d’immigrants.

 En terme de flux on a affaire  à une migration de plus en plus diversifiée. Les nouveaux pays d’immigration, notamment dans le Sud et l’Est de l’Europe, reçoivent aussi bien des migrants de pays voisins que de territoires avec lesquels ils n’entretenaient aucun lien privilégié, dans le cadre d’une mondialisation des flux de population, comme c’est le cas de l’Italie avec les Philippins ou les Ukrainiens.

Au total, les migrations se construisent désormais essentiellement sur une dynamique de réseaux (parents installés à l’étranger, filières de transit et d’entrée, etc.) et dans une logique à la fois économique, culturelle et familiale. Ce qui se traduit par exemple par l’apparition d’une «installation dans la mobilité » pour certains migrants qui multiplient les points d’ancrage entre pays d’accueil et pays d’origine, malgré la fermeture des frontières. »[1]

1/L’autre, l’étranger, les frontières

 

Dans tous les pays du monde, à l’intérieur des nations se répète un phénomène social, la construction d’une frontière entre ce que l’on considère comme soi, et ceux que l’on considère comme autres et pouvant subir un traitement différent et inégalitaire.

-Aux USA, pays qui s’est constitué à partir d’immigrants européens, ce ne sont pas ces populations qui ont été considérées comme autres et inférieures, ce sont les indiens « natifs » et les populations noires issues de l’esclavage. E.Todd écrit ainsi « c’est la présence de deux groupes parias les indiens et les noirs qui a permis de fixer hors du peuple blanc l’idée d’inégalité et de définir une égalité interne au groupe »[2] et a ainsi permis d’oublier les vives tensions qu’il a connu.

 

-En Europe, selon la politologue Catherine de Wenden

« La mobilité, qui concerne à la fois les élites mondialisées et les minorités de la diaspora ou de l’immigration clandestine, est chargée de façon négative ».

En France, l’idée de nation et les principes républicains « universels » ont, a priori, défendu l’égalité des citoyens, quelle que soit leur race ou leur religion. Et alors que la France est un grand pays d’immigration depuis au moins deux siècles, elle refuse de se voir comme telle.

Derrière un discours  abstrait, des frontières internes et externes se sont bâties.

Frontière externe d’abord. En France, la plupart des droits sociaux, civiques, politiques(ce qui constitue la citoyenneté) sont liées à la nationalité française. Contrairement à d’autres pays, les droits des étrangers sont très faibles. L’entrée sur le territoire, l’installation, l’accès à la nationalité française ne relèvent d’aucun droit reconnu et varient selon les politiques gouvernementales.  

Il existe donc de fait une préférence nationale ou pour le national et cette idée s’est inscrite dans les mentalités. Pour Etienne Balibar, la contre partie de la protection sociale obtenue par les citoyens a été l’exclusion de l’étranger de ces droits.[3] A contrario en Argentine et en Uruguay, par exemple, en raison de traditions historiques différentes, pays d’immigration eux aussi, les étrangers ont le droit de vote à presque toutes les élections.  

Une frontière interne s’est rajoutée à celle qui sépare le national et l’étranger juridiquement, c’est celle qui consiste à refuser de plus en plus, à l’enfant d’étranger sa pleine place dans la société française. On voit bien ici que la période coloniale a laissé des traces, en considérant les ressortissants des anciennes colonies et leurs enfants comme des populations que l’on peut légitimement, sinon légalement, discriminer dans l’emploi, le logement, etc.

 S’agissant des flux migratoires, les Etats européens cherchent aujourd’hui à externaliser leurs frontières et à faire jouer un rôle de contrôle de l’émigration à des pays limitrophes ou à d’autres comme le Maroc.  Ils voudraient  aussi que les pays d’origine contrôlent eux même leurs sorties  et veulent monnayer l’aide au développement à la possibilité d’expulser et à un auto-contrôle des sorties et du transit ?

 

Les Etats européens  renforcent également leurs frontières internes  en précarisant la situation des étrangers installés, qui sont le plus souvent situés dans les couches populaires et en freinant la mobilité et l’intégration de leurs enfants. (Cf plus bas)

 

Utilitarisme et rapports de force

 

C’est d’abord le mouvement ouvrier et en particulier les syndicats, qui ont refusé l’amalgame entre citoyenneté (accès aux droits) et nationalité. Pour eux, c’est le travail effectué sur le territoire et non les papiers français ou réguliers qui fondent les droits sociaux, syndicaux civiques (allocations familiales, sécu, retraites, élections diverses..) d’où la bataille constante pour l’égalité de droits et de traitement (il en fut de même pour les femmes)  qui a eu des acquits dans les années 70. Cette position a été affirmée historiquement, et jusque dans la

dernière grève des sans –papiers. Cette affirmation, que c’est le travail qui fonde les droits, est générale pour tous les salariés, elle fonde le syndicalisme.

 

L’idée de la prééminence du national sur l’étranger se manifeste encore d’une autre façon. L’étranger ne serait accepté que selon son utilité (économique, démographique) qu’il perdrait s’il devenait inutile (chômage,  bon état des retraites..). Cette vision utilitariste domine chez de nombreux politiques, y compris de gauche. La France (parce qu’elle est riche et offre des emplois) aurait le droit de dire, seule,  combien et quels étrangers et dans quelles conditions elle veut les « accueillir », mais aussi les renvoyer. Le gouvernement actuel a  ainsi unilatéralement assujetti le regroupement familial à une intégration préalable (connaissance de la langue et des valeurs de la République), avec une mise en oeuvre ubuesque  et qui s’ingère dans les rapports familiaux (oublions l’épisode révélateur de l’ADN).

 

 Ce n’est d’ailleurs pas propre à la France. Sont en jeu des rapports de force, en particulier dans les rapports Nord-Sud. Car dans le même temps, les ressortissants de l’UE ex étrangers peuvent circuler et travailler librement. L’idée d’une nation européenne « blanche »  et plutôt chrétienne vient assigner le non-européen du Sud à un statut subalterne  Dans le même temps  les ex coloniaux, si proches du point de vue linguistique notamment,  sont devenus les plus étrangers des étrangers, ce qui pose aussi la question de la dette du colonialisme.

Certains migrants ont-ils tort de rappeler que l’apport de leurs parents et grands parents à la France (guerres, reconstruction)  ne peut se traduire par une fermeture des portes à leurs descendants et l’assignation à résidence pour favoriser les délocalisations ? Ils dénoncent là une forme de néo colonialisme.

Dans cette perspective, les étrangers sont des objets, une force de travail, et non des personnes et encore moins des acteurs de leur propre destin. Ils sont traités ainsi à titre individuel, mais aussi à titre collectif, comme on le voit à propos des accords dits de co-développement.

 L’émergence d’une population structurelle de sans-papiers (je préfère ce terme à clandestins ou illégaux) est une réponse féroce  aux progrès acquis dans les luttes pour l’égalité des droits,  (bourses, droit de vote aux élections professionnelles..) car elle prive ces hommes, femmes et enfants de toute existence sociale et de tout droit, sauf la scolarisation des enfants. La philosophe Hannah Arendt,  a utilisé le terme d’humanité superflue pour désigner ceux qui n’ayant aucun lieu où avoir des droits n’existent pas comme humains.  Comme le montre Nicolas Jounin, il s’agit d’une aggravation sans précédent de la concurrence entre travailleurs et d’une des formes de la casse  générale du droit du travail.

 

A côté de  la bataille pour l’égalité des droits sociaux menés par les syndicats, d’autres forces progressistes se sont engagés dans des mouvements au nom de principes complémentaires.

Les partis de gauche, dans le principe, sinon dans les faits, en se prononçant pour le droit de vote des étrangers aux élections municipales appuient un élargissement de la citoyenneté. [4] (C’était une des 101 propositions de F. Mitterand) Mais tiennent-ils vraiment ce terrain ?

Le courant le plus large prône  la prééminence des Droits de l’Homme sur les politiques mises en œuvre par les Etats.  Les droits de l’homme sont de plus en plus  invoqués face aux dérives d’une gestion policière et sécuritaire inhumaine en augmentation certaine depuis quelques années. Droit à vivre en famille par exemple. (action de RESF) Droit d’asile qui est aujourd’hui perverti par la politique du chiffre, droit à ne pas être discriminé et criminalisé. (situation des centres de rétention, par exemple, multiplication des contrôles au faciès). Refus de l’arbitraire.

 

Nous sommes aujourd’hui face à des conflits de droit. L’ONU a imposé le droit de sortir de son pays (à l’époque face au bloc soviétique), elle reconnaît les droits de l’Homme, mais il n’y aucun devoir d’accueil (sauf l’asile réduit au minimum).Les Etats restent souverains dans la maîtrise de leurs frontières et de leur accès à la citoyenneté et à  la nationalité. La mise en cause des abus au nom des droits de l’homme est donc utile, mais peut-être pas suffisante. Peut-on aller vers un droit international des migrants?  Une charte ?

 

Ce qu’ont montré les travaux de sciences sociales, c’est que les politiques basées sur la conception de l’immigration comme nuisance et la conception unilatérale de la maîtrise des flux, ne sont pas efficaces de leur propre point de vue : l’immigration  zéro et même « choisie » ne résiste pas à la volonté de mobilité des hommes et des femmes et ne fait que nourrir le populisme et le racisme. La fermeture des frontières et l’excès de contrôle sécuritaire sédentarise les populations au lieu qu’elles circulent, dans de bonnes conditions.(études, voyages, visites familiales, un va et vient utile)

Alors que le libre –échangisme est le dogme des pays capitalistes s’agissant des capitaux et des biens, la fermeture des frontières bat son plein.

Les ultra libéraux s’accommodent fort bien de ces politiques, car comme il y a toujours des immigrants, l’emploi de clandestins est particulièrement rentable. Accueillir de étrangers à égalité de droits  et de traitement les intéresse beaucoup moins. Le MEDEF est d’ailleurs totalement silencieux dans ces affaires.

 

Fausses évidences à déconstruire pour changer d’optique

 

Ce que les sciences sociales ont également dénoncé, ce sont de fausses évidences.

 

-Qu’il pourrait y avoir une immigration de travail (jetable bien que choisie) sans migration de peuplement. En fait cela a existé, dans les Pays du Golfe, avec confiscation des passeports et vie en caserne. Dans une démocratie c’est très difficile, mais des coups de boutoir à la démocratie, existent partout, en particulier chez nous et dans ce domaine.

 

- Lutter contre l’immigration clandestine favorise l’intégration des immigrés dits réguliers (cependant précaires depuis l’abolition de la carte de dix ans). D’une part l’état des quartiers populaires où vivent de nombreuses familles issues de l’immigration ne s’améliore pas, mais les discriminations perdurent de même qu’un climat de suspicion que facilitent les contrôles au faciès. Le sentiment d’injustice est grand dans toute une partie de la jeunesse qui ne se sent pas acceptée comme pleinement française.(sifflets de la Marseillaise ?)

Les mariages mixtes entre étrangers et Français, sont rendus très difficiles, de même que des choses aussi simples que la visite des familles ou la possibilité d’étudier. Pourtant les mariages mixtes entre personnes d’origine « ethnique », culturelle diverses sont plus nombreux que dans les pays anglo-saxons fondés sur le communautarisme, ce qui  reste un des meilleurs indicateurs de l’ouverture de la  population française.

 

-Les immigrants sont tous aux mains des mafias. Si cette assertion semble vraie pour le trafic des femmes en vue de prostitution, l’essentiel est ailleurs. Les nouveaux migrants se définissent eux même comme des aventuriers, qui n’ont pas d’autre choix pour vivre et pas seulement sur le plan matériel, vivre veut dire aussi s’émanciper de situations familiales, ou religieuses,  apprendre un métier, participer du mouvement du monde.

 Les travaux récents montrent que les migrants s’entraident et s’exploitent en même temps les uns les autres dans leur longue galère.

 

-Le développement arrête les mobilités. Il n’en est rien. Les malheureux qui survivent dans les forêts près de Calais ont autant de diplômes que notre jeunesse, mais qui veut vivre aujourd’hui en Afghanistan ou en Irak, alors que ces pays ne peuvent plus permettre de demander l’asile depuis qu’ils sont devenus des « démocraties » ?

 

- Il y aurait d’un côté des demandeurs d’asile pour des raisons de persécutions politiques étatiques et de l’autre des migrants « économiques » qui veulent du travail. Non, toutes ces catégories sont aujourd’hui poreuses. Je prends l’exemple des colombiens, fuient-ils l’insécurité économique, l’insécurité liée à la criminalité (narco trafic), à la répression politique, à l’insécurité climatique ? Tout à la fois certainement.

Et les migrations de femmes liées au bassin d’emploi non délocalisable des services à la personne ? Elles cherchent souvent en même temps, les moyens de subvenir aux besoins de leur famille mais aussi d’accéder à un autre statut.

« Parallèlement à cette augmentation et cette globalisation, les facteurs à l’origine de l’émigration ont évolué et, avec eux, les profils des migrants. Les facteurs de répulsion (fuite de la pauvreté, pression démographique) semblent désormais peser d’un moindre poids que les facteurs d’attraction (accès au marché du travail et à un certain niveau de vie). On observe d’ailleurs une évolution des caractéristiques des populations migrantes, de plus en plus urbanisées, scolarisées et féminisées.

Cette évolution s’appuie sur l’émergence du sentiment d’un «droit à la migration », ou au moins d’un droit de sortie alors même que les pays d’accueil durcissent les conditions d’entrée opposées aux candidats à l’immigration » C De Wenden

 

La crise va réactiver le mécanisme du bouc émissaire

 

 « ils nous prennent notre travail » y compris à l’égard de jeune devenus français en vertu d’une conception finalement « ethnique » de la nation que ce ministère ne fait qu’accréditer dans son titre même. C’est pourquoi il faut être vigilant.

Dans le Monde d’il y a quelques jours on pouvait lire à propos de la Grande Bretagne

« Les grèves sauvages contre l'emploi de main-d'oeuvre étrangère qui se sont répandues, vendredi 30 janvier, sur plus d'une douzaine de sites énergétiques britanniques se sont encore étendues lundi 2 février. Près de 3 000 personnes, souvent employées par des sous-traitants des usines concernées, ont cessé le travail pour protester contre le recours à des travailleurs étrangers en ces temps de récession.

Tout est parti de la raffinerie de Total à Lindsey (Lincolnshire), mercredi, alors que le groupe français venait d'annoncer qu'une société italienne serait chargée d'un projet d'extension du site de 200 millions de livres. Une centaine d'ouvriers italiens et portugais, logés dans des péniches à Grimsby, sont déjà sur place. Quelque 300 autres doivent les rejoindre d'ici à un mois.

 

Conclusion provisoire

 

Personnellement, je me refuse, en tant que citoyenne  à entrer dans les logiques utilitaristes. Utile pour qui ? Utilité définie par qui ? Les employeurs ? Les autres salariés ? Les retraités futurs ? Les pays d’origine ? Les migrants eux-mêmes ?

Cette logique nous enferme et nous met sur le même terrain que les politiques de droite. Elle crée une fausse unité d’intérêts entre classes sociales d’un même pays au détriment des solidarités de classe elles-mêmes, dans le pays et à l’échelle internationale. 

Il faut changer d’optique, de regard car les migrations ne vont pas cesser.

Nous avons des ressources dans nos propres références :

-la solidarité internationale, entre travailleurs et entre peuples considérés comme égaux (et pas forcément entre gouvernements).

-Les fondements de la Révolution française, pour une mise en oeuvre effective des droits et devoirs égaux  des citoyens ( terme large qui ne se réduit pas à Français, comme le disaient les révolutionnaires face aux nobles « émigrés » qui combattaient la nation depuis l’étranger)

-La lutte pour la paix, qui en réduisant les conflits, sécurise les peuples

-La lutte anticolonialiste qui impose aujourd’hui de traiter les nations indépendantes sur un pied d’égalité.

-La lutte antiraciste qui  affirme l’universalité de l’humanité et exige la dignité.

-La lutte pour un nouvel ordre mondial, qui ne verra pas se tarir les migrations, mais les verra enfin sous un autre jour d’échange et de coopération.

-Enfin, le goût de la liberté (qui aimerait connaître une entrave à sa mobilité ?) de l’égalité et de la fraternité qui trônent sur les édifices de la République.

On pourrait ainsi imaginer des « politiques égalitaire d’échanges de populations » fondées sur une autre conception des échanges et impliquant tous les acteurs y compris les immigrés eux-mêmes."



[1] Catherine de Wenden (CERI, Paris): Ethique et relations internationales - Migrations, frontières et européanisation. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 16/2005.

 

[2] Emmanuel Todd, Après la démocratie Gallimard 2008

[3] Etienne Balibar Très loin, tout près Bayard 2007

[4] Cf débats du Parlement Européen résolution 1840.  Situation de la démocratie en Europe, Mesures visant à améliorer la participation démocratique des migrants.

 


 

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